Résumé

L’azithromycine est un antibiotique souvent prescrit chez les enfants en présence d’infections des voies respiratoires supérieures et inférieures. Elle a des avantages démontrés, mais plusieurs préoccupations ont surgi ces dernières années au sujet de son utilisation. Le présent point de pratique permet d’évaluer le traitement d’infections respiratoires aiguës à l’azithromycine chez des enfants autrement en santé. La pharmacocinétique, le spectre d’activités, le problème de bactéries résistantes et les aspects cliniques sont évalués, de même que les recommandations relatives à l’utilisation et les contre-indications. Il faudrait éviter l’azithromycine chez les patients présentant un risque marqué de bactériémie. Ce médicament s’associe à une résistance pneumococcique et, sauf dans des exceptions définies, il n’est généralement pas recommandé pour traiter la pharyngite aiguë, l’otite moyenne aiguë ou la pneumonie pneumococcique d’origine non nosocomiale au sein de la population d’âge pédiatrique.

L’azithromycine, le premier azalide de la classe d’antibiotiques des macrolides, est rapidement devenue l’un des antibiotiques les plus prescrits par les pédiatres, notamment pour traiter les infections respiratoires.[1],[2] Elle est facile à administrer aux enfants sous forme de suspension orale, avec sa dose quotidienne, son traitement relativement court (trois à cinq jours) et son profil d’effets secondaires favorable.

La résistance émergente des pneumocoques à la pénicilline observée ces dernières années, la constatation que la résistance peut entraîner des complications plus graves et le dépistage de bactéries atypiques responsables d’infections respiratoires sont des tendances qui ont incité certains experts à recommander des macrolides comme traitement de première ligne contre la pneumonie d’origine non nosocomiale chez les patients ambulatoires.[3],[4] Conçues pour les adultes, ces recommandations ont eu des répercussions importantes sur la prescription de macrolides en pédiatrie, notamment l’azithromycine. Cependant, depuis les premiers essais en appuyant l’homologation il y a 20 ans, quelques préoccupations ont surgi quant à son utilisation chez les enfants.

Le présent point de pratique permet d’évaluer l’utilisation de l’azithromycine pour soigner des infections aiguës des voies respiratoires supérieures ou inférieures chez des enfants en santé du Canada. L’utilisation de l’azithromycine pour soigner d’autres maladies (telles que la fibrose kystique, le VIH-sida ou d’autres maladies chroniques, chez les voyageurs en provenance d’autres pays ou chez des patients atteints d’infections transmises sexuellement) dépasse la portée de la présente analyse.

La pharmacocinétique

Par rapport aux autres macrolides, les propriétés pharmaceutiques distinctives de l’azithromycine en facilitent l’administration. Ce médicament est stable en pH acide, a une biodisponibilité de plus de 30 % et a une demi-vie relativement longue, qui peut atteindre 96 heures.[5] L’azithromycine présente également un schéma de distribution supérieur, associé à une importante diffusion dans le compartiment intracellulaire et les neutrophiles polymorphonucléaires, sans compter qu’elle peut atteindre des concentrations intracellulaires jusqu’à 100 fois supérieures aux concentrations de plasma.[6] De fortes concentrations de médicament dans les phagocytes confèrent partiellement à l’azithromycine son efficacité dans le traitement d’agents infectieux intracellulaires. Cette qualité est également la base du recours à un traitement de cinq jours pour la pharyngite aiguë et l’otite moyenne.[7]

Il existe des descriptions de cas de bactériémie pneumococcique qui ont percé chez des patients traités à l’azithromycine, ce qui n’est pas surprenant puisque le médicament est en grande partie transporté dans les cellules plutôt que dans le débit sanguin.[8],[9] L’occurrence d’infections pneumococciques intravasculaires malgré le traitement laisse supposer qu’il faudrait éviter l’azithromycine chez les patients courant un risque important de bactériémie.[4],[9]

Le spectre d’activité

Comme les autres macrolides, l’azithromycine inhibe la synthèse des protéines bactériennes en se liant à la sous-unité 50S des ribosomes et en bloquant la translocation des protéines. Cependant, contrairement à des macrolides tels que l’érythromycine, l’azithromycine a une activité in vitro plus faible contre les bactéries Gram positif, y compris le Streptococcus pneumoniae, mais une meilleure activité in vitro contre les bactéries Gram négatif comme l’Haemophilus influenzae et le Moraxella catarrhalis.

Les infections des voies respiratoires supérieures et inférieures sont de loin les indications les plus courantes de prescriptions d’azithromycine chez les enfants des pays occidentaux.[10] Cependant, la susceptibilité aux microorganismes respiratoires a évolué au fil du temps, et l’utilisation croissante des macrolides, y compris l’azithromycine, s’associe à un nombre croissant de souches pneumococciques résistantes aux macrolides.[4],[11]-[14] La résistance pneumococcique aux macrolides est devenue plus courante que la résistance à la pénicilline.[4] De plus, les souches résistantes à la pénicilline sont presque toujours résistantes aux macrolides.

La résistance aux macrolides est variable au Canada. Depuis que les nourrissons reçoivent le vaccin heptavalent conjugué contre le pneumocoque, la prévalence des souches pneumococciques non susceptibles à l’érythromycine, isolées chez les enfants atteints de maladies pneumococciques invasives, a fléchi de 8,8 % à 5,8 % en Alberta.[15] Cependant, au Québec, 23 % des souches pneumococciques responsables des infections invasives étaient résistantes à l’érythromycine,[16] ce qui laisse supposer que plusieurs facteurs jouent un rôle dans l’émergence de la résistance antimicrobienne, y compris les modes de prescription.

Le problème des bactéries résistantes

L’utilisation sous-optimale de médicaments antibactériens est la principale raison de l’émergence et de la propagation des pneumocoques résistant aux macrolides. Parmi les pratiques incorrectes, soulignons l’utilisation d’antibiotiques pour traiter des infections non bactériennes (souvent d’origine virale), la prescription d’un médicament trop peu puissant ou trop puissant (l’administration d’un antibiotique au spectre d’activité sous-optimal ou trop large) et une posologie non adaptée ou de la mauvaise durée.[4],[17] Le mésusage de l’azithromycine a d’importantes conséquences sur le portage nasopharyngé des pneumocoques. L’antibiotique exerce une pression de sélection, accrue par ses propres caractéristiques pharmacocinétiques. Ainsi, la longue demi-vie de l’azithromycine entraîne des concentrations subinhibitrices aux foyers de portage sur une période de plusieurs jours et favorise l’émergence de souches résistantes. De nombreuses études font état d’un lien entre l’administration de macrolides et le portage nasopharyngé de pneumocoques résistants.[18],[19] Au Portugal, l’utilisation d’azithromycine était corrélée avec l’émergence de pneumocoques résistants aux macrolides.[20]

Des aspects cliniques

L’utilisation actuelle d’azithromycine dépend de ses caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques ainsi que de son efficacité démontrée dans des essais cliniques thérapeutiques. En pédiatrie, on l’utilise surtout pour traiter tout autant les infections respiratoires supérieures (p. ex., la pharyngite aiguë et l’otite moyenne aiguë) que les infections respiratoires inférieures (p. ex., la pneumonie d’origine non nosocomiale),[10] des maladies dont la morbidité et la mortalité attribuables au S pneumoniae sont importantes.

Pour ce qui est de l’otite moyenne aiguë, un essai clinique aléatoire comparant l’azithromycine à une forte dose (90/6,4 mg/kg/jour) d’amoxicilline associée à du clavulanate a démontré que le traitement à la bêta-lactamine assurait un plus fort taux de rétablissement clinique et d’éradication des souches résistantes aux pneumocoques et à l’H influenzae.[21]

Les principaux problèmes liés à l’utilisation d’azithromycine pour traiter l’otite moyenne aiguë sont les souches pneumococciques résistantes et récurrentes, ainsi qu’une efficacité clinique sous-optimale contre l’H influenzae, déterminée par des taux d’éradication bactérienne dans le liquide de l’oreille moyenne.[22],[23] Par conséquent, l’American Academy of Pediatrics ne recommande pas l’azithromycine pour traiter l’otite moyenne aiguë chez les enfants, à moins que l’enfant ait une allergie anaphylactique à la pénicilline.[7]

Pour des raisons analogues, des recommandations similaires devraient probablement s’appliquer au traitement des pneumonies pneumococciques d’origine non nosocomiale. Dans un récent point de pratique de la Société canadienne de pédiatrie sur le traitement de la pneumonie chez des enfants canadiens autrement en santé, on réservait l’azithromycine aux enfants présumément atteints d’une pneumonie atypique et en complément de la céfotaxime (ou de la ceftriaxone) en cas de grave pneumonie.[24] Au-delà du risque de résistance, les très faibles concentrations d’azithromycine dans le plasma peuvent accroître le risque d’échec thérapeutique.

Conclusion

Il faut éviter d’utiliser l’azithromycine pour traiter la pharyngite aiguë, l’otite moyenne aiguë ou la pneumonie d’origine non nosocomiale chez des enfants autrement en santé, sauf dans les cas suivants :

  • Il faut utiliser l’azithromycine comme traitement de deuxième ligne en cas d’allergie aux bêta-lactamines mettant en jeu le pronostic vital, pour traiter la pharyngite aiguë causée par un streptocoque bêta-hémolytique du groupe A sensible aux macrolides.

  • Il faut envisager l’azithromycine pour traiter la pneumonie attribuable à une bactérie atypique. Les données probantes demeurent insuffisantes, mais on recommande l’utilisation d’azithromycine dans les lignes directrices canadiennes et américaines. Il faut également en envisager l’utilisation pour traiter une pneumonie non grave dont les principales manifestations sont évocatrices d’une pneumonie bactérienne atypique : apparition subaiguë, toux intense, leucocytose minimale et infiltrat non lobaire, en général chez un enfant d’âge scolaire.

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire et le comité des maladies infectieuses et d’immunisation de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique.

COMITÉ DE PHARMACOLOGIE ET DES SUBSTANCES DANGEREUSES DE LA SCP

Membres : Mark L Bernstein MD; Ran D Goldman MD; Robert Moriartey MD (représentant du conseil); Philippe Ovetchkine MD; Michael J Rieder MD (président)

Représentants : Daniel L Keene MD, Santé Canada; Doreen M Matsui, Société canadienne de pharmacologie et de thérapeutique

Auteurs principaux : Philippe Ovetchkine MD; Michael J Rieder MD

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